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Laura Ben Hayoun est née à Valence (France) en 1984.

Sa photographie est un espace de tension et de jeu, explorant l’entre-deux et la frontière à travers des histoires intimes envisagées comme des échos de l’Histoire. Elle cherche à rendre visible des histoires hybrides et disruptives.

À  la manière des souvenirs transmis de bouche à oreille, l’image est fragmentée et fragilisée par de multiples expérimentations, se mêle photographie, vidéos, dessins, installation.

L’exposition questionne le lieu, son histoire et son public de manière toujours renouvelée.

Anthropologue de formation, diplomée de masters en réalisation documentaire (Evry) et en photographie (Paris 8), joyeux mélange de juif d’Algérie et d’arménienne, elle habite l’entre-deux et en fait le coeur de son travail.
Elle a présenté son travail lors d'expositions collectives et personnelles à Londres, Paris, Nice, La Corogne, Hanovre, Bienne. Elle a gagné le prix de la photographie contemporaine de Vence 2018, elle a été finaliste au Unseen Dummy Award 2019, Plat(t)form 2020 et lors du prix C/O Berlin Talent Award 2020. Elle sera exposée en 2022 lors d’expositions personnelles au Festival Fictions Documentaires, et au Centre du Patrimoine Arménien à Valence.



ENG

Laura Ben Hayoun was born in 1984, Valence, France.

Her photography is a space of tension and play, exploring the in-between and the border through intimate stories considered as echoes of History. She seeks to make hybrid and disruptive stories visible.

Like memories transmitted by word of mouth, the image is fragmented and weakened by multiple experiments, mixing photography, videos, drawings, installation. 

The exhibition questions the place, its history and its public in an ever-renewed way.


An anthropologist by training, with a master's degree in documentary filmmaking (Evry) and photography (Paris 8), a joyful mix of Algerian Jew and Armenian, she lives in the in-between and makes it the heart of her work.

Her work has been featured in group and solo exhibitions in London, Paris, Nice, La Coruña, Hanover,and Biel. She won the 2018 Vence Contemporary Photography Prize, and was a finalist at theUnseen Dummy Award 2019, Plat(t)form 2020 and at the C / O Berlin Talent Award 2020. She will be exhibited in 2022 at the Fictions Festival Documentaires, at the Center du Patrimoine Arménien.

“Laura Ben Hayoun: Performer l’intime au service d’identités multiples”
par Christian Gattinoni,
Membre de l’Association Internationale des Critiques d’Art,
2021 pour le Prix Niepce

“Si la formation d’un.e artiste n’est pas toujours totalement significative dans son oeuvre celle de Laura Ben Hayoun permet de bien cerner les dimensions de sa démarche. À la logique de son double master en réalisation documentaire  et en photographie et art contemporain obtenu à l’Université Paris 8 s’ajoutent ses études précédentes en anthropologie.

Un premier grand ensemble de productions s’attache à ses propres racines.La série  “À la moindre étincelle c’était l’explosion” évoque la revendication des origines paternelles de son père en tant  que pied-noir. Pour la  famille française d’origine juive l’Algérie reste une blessure que l’on couvre par le non - dit. Comme elle le confirme « Parler de l’Algérie ce serait aussi parler de colonialisme, racisme, torture, terrorisme, des mots dangereux que l’on préfère éviter. «

Si beaucoup d’artistes dans la même situation expérimentent  le voyage dans le lieu d’origine, Laura Ben Hayoun née en France n’a pas voulu faire cette sorte de pèlerinage. Partie prenante du courant contemporain des fictions documentaires comme le confirme son actuelle résidence au GRAPh de Carcassonne elle s’attache aux sources à trouver sur Internet, dans les archives et dans les films. Elle a proposé à sa famille de rejouer ces images dans un combat visuel. Elle  les raconte à Valence, France avec son père, né français à Oran, Algérie en 1956, et sa soeur, née dans préfecture de la Drôme en 1985, dans le partage trans-génération de cette mémoire jamais transmise. C’est à ce prix, celle d’une mise en scène au quotidien,  que  la grande Histoire franco-algérienne jamais réconciliée et l’histoire de cette famille fusionnent.

Pour compléter ces lacunes mémorielles en  2019, elle se rend en Arménie pour interroger les traces de la branche maternelle via ses grand-tantes. Grâce aux archives de l’usine de Valence où elles travaillaient elle trouve les lieux dont sa famille était originaire, Kharpout, aujourd’hui en Turquie. La grande Histoire nous rappelle qu'une grande partie des arménien.e.s de la diaspora ont fui  en 1915 cette région. Dans une légère modification de parallaxe de son  protocole c’est cependant à Yerevan qu’elle intervient. Pour actualiser  son voyage elle  complète ses sources iconiques par les ressources de l’internet autant que par des rencontres d’autres femmes lors de son séjour, malgré la barrière de la langue. La série en cours Teach me how to sew/saw, Apprend moi à coudre/scier emprunte le prétexte de l’histoire du textile. La tradition du tapis   exclusivement féminine reste attachée au mariage et à la fécondité. Se l’appropriant pour la détourner en hommage  aux Arméniennes qui ont tenu la rue en militantes  de la révolution de 2018 sa pratique artistique en fait comme elle le revendique : « un espace de prise de pouvoir: le tapis sous le regard des femmes. » Une autre forme de réparation mémorielle se met en place dans cette transmission pluri-artistique. 

Trois autres séries font l’objet de partages avec des petits groupes où elle s’introduit et dont elle conte les histoires dans la quête d’identités à rejouer. À la palme et à l’empan a fait l’objet de plusieurs séquences de prises de vues. Elles ont toutes été réalisées dans un foyer isolé des Alpes, où cohabitent de jeunes français retirés à leur famille et de jeunes migrants seuls en France. Elle leur propose différents protocoles façon rites de passage dont elle documente la performance partagée. Photo et vidéo illustrent ainsi la construction commune d’une cabane. Pour les faire figurer comme acteurs de ces moments suspendus où ils se retrouvent, sans trahir plus avant leur identité, elle réalise sa série de masques qui jouent aussi de doubles expositions, ce qui rejoint son intérêt pour les différent types d’entre-deux.

En 2017 elle a suivi des livreurs à vélo pour réaliser Deliver. Elle apprécie d’utiliser les mêmes outils le vélo et le smartphone qui lui sert non pour communiquer avec des clients mais pour réaliser les portraits. Là aussi leur identité est dissimulée par le traitement contrasté à l’extrême des images  dans un presque noir et blanc très graphique. Certains portraits en situation sont mis en diptyque avec une reproduction du ticket de commande. Une petite  image haute en couleur mais dans un cadrage plus éloigné d’où le corps du livreur semble surgir affirme la situation documentée, le caractère socialement fragile de ces emplois.

L’autre groupe en situation précaire elle l’a côtoyé au Centre d’Hébergement  Louvel Tessier à Paris 10ème qui accueille des personnes ayant vécu dans la rue une période plus ou moins longue. Emmaus, une maison questionne le rapport individuel à l’habitat dans ce foyer où la co-location s’impose comme solution sociale transitoire. Poursuivant ses pratiques performatives en dialogue avec chacun de ses modèles elle leur a demandé de rejouer pour son appareil  les premiers gestes qu’ils ont exécuté dans le lieu, l’attitude dont ils se rappellent. Les cadrages très serrés sont proches des vêtements et des matières du quotidien, témoignant aussi bien de la solitude des résidents que de leur solidarité au sein de cet espace intermédiaire dans des vies en suspens.

Laura Ben Hayoun intervient en plasticienne se donnant tous les moyens techniques, photo, dessin, vidéo, livre d’artiste et installation au service de sa pratique  performative. Les situations quelle crée lors de ses longs séjours avec les petites communautés qu’elle prend pour modèle sont aussi ludiques que concernées. Face à des personnalités  fragilisées par  les contraintes sociales ou les événements récents le ré-enacment d’histoires intimes les fait apparaître comme des échos de la situation historique, tandis que les identités dans leur diversité sont exaltées par le dialogue sensible avec la photographe.”